Dimanche, 30-09-18

30. D - Vr - VINGT-SIXIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE - G, C, P dominicale - 1e lecture : Nb 11, 25 - 29 ; Ps 19(18), 8, 10, 12-13, 14 ;
2e lecture : Jc 5, 1 - 6 ;
Évangile : Mc 9, 38 - 43.45.47 - 48.

Père Jean Bosco Nsengimana Mihigo , msscc

Première lecture:Nb 11, 25-29

« Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! »

Le Seigneur descendit dans la nuée pour s’entretenir avec Moïse. Il prit une part de l’esprit qui reposait sur celui-ci, et le mit sur les soixante-dix anciens du peuple. Dès que l’esprit reposa sur eux, ils se mirent à prophétiser, mais cela ne dura pas. Or, deux hommes étaient restés dans le camp ; l’un s’appelait Eldad, et l’autre Médad. L’esprit reposa sur eux ; bien que n’étant pas venus à la tente de la Rencontre, ils comptaient parmi les anciens qui avaient été choisis, et c’est dans le camp qu’ils se mirent à prophétiser. Un jeune homme courut annoncer à Moïse : « Eldad et Médad prophétisent dans le camp ! » Josué, fils de Noun, serviteur de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole : « Moïse, mon maître, arrête-les ! » Mais Moïse lui dit : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! »

Psaume responsororial : Ps 18 (19), 8, 10, 12-13, 14

R/ La Loi du Seigneur est joie pour le cœur.

La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples.

La crainte qu’il inspire est pure, elle est là pour toujours ; les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables.

Aussi ton serviteur en est illuminé ; à les garder, il trouve son profit. Qui peut discerner ses erreurs ? Purifie-moi de celles qui m’échappent.
Préserve aussi ton serviteur de l’orgueil : qu’il n’ait sur moi aucune emprise.
Alors je serai sans reproche, pur d’un grand péché.

Deuxième lecture:Jc 5, 1-6

« Les revendications des pauvres spoliés par les riches arrivent « aux oreilles du Seigneur de l’univers »

Écoutez-moi, vous, les gens riches ! Pleurez, lamentez-vous, car des malheurs vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille vous accusera, elle dévorera vos chairs comme un feu. Vous avez amassé de l’argent, alors que nous sommes dans les derniers temps ! Des travailleurs ont moissonné vos terres, et vous ne les avez pas payés ; leur salaire crie vengeance, et les revendications des moissonneurs sont arrivées aux oreilles du Seigneur de l’univers. Vous avez recherché sur terre le plaisir et le luxe, et vous avez fait bombance pendant qu’on massacrait des gens. Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous résiste.

Evangile : Mc 9, 38-43.45.47-48

« Celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous »

Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Et si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Il vaut mieux entrer manchot dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux mains dans la géhenne, là où le feu ne s’éteint pas. Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne. Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »

COMMENTAIRE ET MEDITATION : Devenir faiseurs de bien

Les lectures de ce vingt-sixième dimanche du temps ordinaire, année B », expriment en substance l’issu des conflits larvés ou déclarés dans l’exercice des charismes. En effet, dans notre monde deux forces se disputent la préséance. Toutefois, les hagiographes nous invitent à contempler qu’une autre force tranche en juge juste impartial et équitable. Alors que la parole de Dieu lue et méditée au vingt quatrième dimanche nous enseignait que la grandeur de la personne humaine consiste à servir, durant le dimanche dernier, nous avons été des témoins d’un déconcertant constant : les disciples de Jésus, sur la route de Jérusalem, discutaient pour savoir lequel à l’intérieur de leur groupe serait le plus grand, le plus important voir l’indispensable ! Dans le même ordre d’idée, la liturgie de ce dimanche, nous présente les indignations formulées de l’intérieur contre l’extérieur.

A travers la première lecture, nous admirons la souveraine liberté de Dieu qui ne se laisse pas entraver par les conditionnements structurels. En effet, au lieu de se rendre à la « tente de rencontre », endroit considéré comme l’espace habituel des manifestations divines, deux, parmi les anciens établis par Moise pour le seconder en partageant avec lui la charge de conduire le peuple de Yahvé, sont restés dans le champ. Ils sont demeurés dans leurs activités quotidiennes. Or, voici que de la même façon que ceux qui se sont rendus à la tente de rencontre « se mirent à prophétiser » eu aussi. Cet étrange coïncidence et surprenante logique déconcerte « Josué, Fils de Noun, serviteur de Moise ». Ce dernier considère cet événement comme intolérable et inadmissible. Ainsi interpelle-t-il Moise sous un ton ahurissant pour qu’il empêche cette déviation apparente : « mon maître, arrête-les » !
Cette attitude de Josué dénonce la notre. N’est-il pas vrai qu’au nom du groupe auquel nous appartenons ou en vue de défendre le système qui nous rassemble, nous sommes prêts à empêcher les autres à faire le bien ? Assez spontanément, ne nous comportons-nous pas comme si nous avions l’exclusivité sur les dons de Dieu ? Quelques fois, n’arrivons-nous pas à croire que nous sommes les seuls qui mériteraient les faveurs par le simple fait d’appartenir à tel ou tel autre groupe social ? Bref, nous arrivons à nous convaincre que le protectionnisme nous conduirait à la toute-puissance et à la domination auxquelles aspirent naturellement tous les êtres vivants !

Dans l’évangile d’aujourd’hui, nous entendons Jean formuler des indignations semblables à celle de Josué : « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ». Manifestement, bien que cette fois-ci, la concurrence vient de l’extérieur, nous restons dans les mêmes préoccupations de la préséance. Il n’est pas sans saveur d’entendre que saint Jean prononce ces paroles sectaires. L’évangile s’occupe lui-même de ne pas nous laisser nous assoupir dans les imageries qu’il suscite. On pourrait se distraire en pensant à Saint Jean, l’apôtre le plus jeune, le disciple que Jésus aimait en oubliant qu’il est aussi appelé fils du tonnerre. S’il a donc accédé aux sommets de la « mystique », c’est qu’elle n’est pas une mièvrerie édulcorée et qu’elle nécessite de rudes combats.

Jean lance, en somme, un vif débat sur le thème de la domination. Quelqu’un pratique un exorcisme au nom de Jésus, mais par une simple raison de l’appartenance ils veulent « l’en empêcher ». Pour lui, il ne répond pas aux critères nécessaires à savoir être dans le groupe qui suit le Rabbi de Nazareth : « il n’est pas de ceux qui nous suivent ». Remarquons bien et soyons vigilants, Jean dit clairement parce qu’il ne nous suive pas ! Il n’a pas dit parce qu’il ne te suit pas ! Il y a une différence. L’on dirait que pour lui, on ne peut réaliser des prodiges au nom du Christ que dans la mesure où l’on est explicitement « chrétien ». Ainsi semble-t-il réduire le salut universel acquis en Jésus Christ à un petit groupe qui ne fait que « suivre ». D’où l’adage erroné « en dehors de l’Eglise point de salut ». En suivant un pareil point de vue, on peut pousser très loin ses conséquences jusqu’à croire que si quelqu’un n’est pas du groupe qui se réclame du Christ ne serait pas autorisé à faire du bien que le Christ enseigne et demande de faire.

Or une telle conception n’est pas sans ironie chez saint Marc ! Nous savons qu’à cause de leur hésitante foi les disciples ne réussissaient pas à chasser certains démons. En effet, cet évangéliste, avant de nous présenter cet événement, nous a déjà averti dans les lignes précédentes qu’un jour quelques a dit à Jésus : « Maître, je t’ai amené mon fils : il a un esprit muet. L’esprit s’empare de lui n’importe où, il jette à terre et l’enfant écume, grince des dents et devient raide. J’ai dit à tes disciples de le chasser, et il n’en ont pas eu la force ». (Mc 9, 17-18). Bien que ce texte montre que l’appartenance au groupe des disciples n’est pas le seul critère ni l’atout de réussite, la réaction disproportionnée de Jean révèle surtout que la motivation de ceux et celles qui suivent Jésus, ceux et celles d’hier comme d’aujourd’hui, se place complètement ailleurs.

Voilà pourquoi certains reproches formulés par nos contemporains pour justifier leur refus face aux pratiques religieuses semblent être de « bon sens ». Effectivement, on peut se demander, non sans raison, à quoi bon être chrétiens, c’est-à-dire peiner pour conformer sa vie à l’évangile, si n’importe qui peut accéder aux mêmes privilèges ; voir plus ? Autrement dit, si de l’extérieur et avec facilités, on peut arriver au salut, pour quelle raison suffisante doit-on limiter et conformer sa vie à l’éthique chrétienne et aux exigences d’une existence quelquefois cruciforme et surtout cristiforme ? Pire encore, si d’autres font ce que Jésus faisait aisément, cela n’atténue-t-il pas son attrait pour le suivre ?

A ces interrogations que soulève la préoccupation de Jean, Jésus nous répond avec la patience que nous connaissons en lui et que nous avons vue à l’œuvre quand il répondait à la question du dimanche passé : « qui est le plus grand ? » (Mc 9, 33-37). À ceux et celles à qui il vient d’expliquer qu’il convient d’accueillir un enfant, le dernier de tous, comme s’il était le Christ lui-même, il demande à nouveau de n’exclure personne du dedans comme du dehors. Dans ces propos, Jésus ne fait aucune remontrance. Il sait quels doutes nous avons sans cesse sur notre valeur et comment ces doutes nous poussent à nous comparer aux autres tantôt à l’intérieur du groupe ; tantôt à son extérieur. A ces comparaisons qui nous éloignent de l’essentiel, il répond tout simplement et calmement : « ne l’empêchez pas ». C’est-à-dire n’empêchez personne à faire le bien. Car une telle réaction serait scandaleuse de votre part.

Cette défense n’est pas imposée aux disciples comme une parole autoritaire. Jésus fait appel à l’intelligence de ses disciples afin de leur ouvrir de nouveaux horizons. Il leur révèle « que celui ou celle qui fait un miracle en son nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de lui ». Pour ce faire, celui ou celle qui « n’est pas contre » les intérêts de la communauté est au service de cette dernière. La logique qui oriente cette vision du monde est simple et naturelle ! De fait, comment celui ou celle qui agit dans la force de l’Esprit Saint pourrait-il se retourner contre le Seigneur ? En outre, comment une telle action pourrait-elle être néfaste à qui que ce soit ? Bref, le bien que Dieu fait par les humains en faveur d’eux-mêmes ne peut nuire à aucune personne humaine. Bien au contraire, il peut même être bénéfique à d’autres que ces premiers destinataires. Par conséquent, « celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». L’on ne devrait pas empêcher une personne à contribuer à la réalisation de la mission de Jésus qui devrait être également celle de ses disciples.

Dans la mesure où le bien que les autres réalisent nous provoque, il devrait aussi nous convoquer parce qu’il évoque notre mission. Le premier bénéfice est sans doute la stimulation. Si quelqu’un, en dehors du groupe des chrétiens, réalise de tels prodiges, n’importe lequel des chrétiens peut certainement y prétendre également. Si quelqu’un vit des vertus évangéliques sans être explicitement disciple du Christ, il devrait stimulait et interpeller ceux et celles qui se réclament de lui. Suivre le Christ ne consiste pas à un conformisme léger. Il ne s’agit pas d’une suite moutonnière. Bien au contraire, il est une mis en question continuelle. Nous devons nous demander qu’est-ce que nous faisons en plus que les autres ne font pas ? Le défi quotidien auquel l’existence chrétienne doit être confrontée serait sans nul doute « devenir faiseur du bien ». La vocation chrétienne convoque à une sortie progressive de la médiocrité pour accéder à l’excellence. Elle nous demande d’abandonner le clientélisme en adoptant la méritocratie. Pour peu que nous nous laissions mettre en question, nous devons donc dépasser le protectionnisme sectaire.

Avec cette attitude ouverte à la critique et à la mis en question, le bénéfice est grand pour le groupe et également pour la compréhension que l’on peut avoir de soi-même. Effectivement, les œuvres ne sont pas seulement conformes à l’évangile, elles sont aussi conformes à l’identité et à la mission de leur auteur. Nous avons tous une manière de mettre l’évangile en actes qui correspond à nos talents et à notre place dans le Royaume. C’est pourquoi, aucune personne humaine n’est interchangeable avec une autre. Des missions peuvent être abandonnées ou transmises, déposées ou reprises, mais ce que chacun peut faire ou aurait pu faire est autant unique qu’importante pour l’avènement du Royaume. Il est donc clair que dans les œuvres de charité, la concurrence ne devrait pas exister. Les coup-bas sont bannis. La jalousie perd toutes ses maladroites justifications. L’on doit, en définitif, se rendre compte que le bien n’a pas de patrie !

Frères et sœurs, saisissons l’occasion pour changer notre regard sur la pratique des préceptes évangéliques. Acceptons de vivre autrement en faisant le bien et en laissant les autres le réaliser à leurs aises. Néanmoins, reconnaissons qu’il est facile de ne garder en tête qu’une liste de « devoirs » chrétiens à l’instar de rendre service aux autres, de donner sans rien attendre en retour, d’habiller celui ou celle qui est nu, de donner à boire à celui ou à celle qui a soif. En un mot, d’expérimenter qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir.

Par ailleurs, à travers le message de l’évangile d’aujourd’hui, Jésus inverse désormais le mouvement : « celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense ». C’est-à-dire que pour le bonheur de celui ou de celle qui prend soin du Christ en nous, notre qualité de chrétien nous prédispose à recevoir sans espérer rendre en retour. La gratitude en vers celui qui veut nous faire du bien est une autre invitation à l’humilité. De même que dans la prière scripturaire du dimanche passé, nous demandions au Seigneur de nous apprendre que « nous monterons l’échelle de la sainteté en descendant celle de l’humilité » ; de même, nous sommes invités à prier pour que nous ayons assez d’humilité pour procurer le bonheur à celui ou à celle qui désire réaliser du bien à notre égard.

Tout compte fait, à la condition précaire de l’enfant, l’évangile d’aujourd’hui ajoute celle du mendiant qui est toujours disponible à recevoir tout geste de gratuite en sa faveur. Ces deux dimanche nous offrent une occasion pour beaucoup grandir en humilité. Ils nous enseignent que nous devons manifester de la gratitude envers celui ou celle qui agit avec justice en contribuant à l’implantation du Royaume de Dieu. Cela est aussi important qu’agir avec justice. Cette situation nous rappelle que nous dépendons en toute chose de la grâce de Dieu. Ce faisant, le bien que l’autrui réalise contribue à chasser de nos cœurs les démons de l’autosuffisance, de la domination et de la toute-puissance.

PRIERE SCRIPTURAIRE

Seigneur Jésus, pour notre croissance et celle de nos frères et sœurs, tu nous offres les moments de grâce et les occasions propices. Aujourd’hui, nous te rendons grâce parce que tu nous enseignes la manière de recevoir notre nécessaire avec gratitude et humilité. Sans oublier que tu nous apprends à faire le bien et à laisser les autres le réaliser aisément, aide-nous à discerner toutes les occasions de vivre selon l’évangile. Certes, tu attends de nous que nous donnions sans compter mais aussi tu nous apprends à admirer ceux et celles qui accomplissent la volonté du Père. Donne-nous, Seigneur surtout de comprendre combien est précieuse l’entrée dans le Royaume, au point qu’il faut être prêt à renoncer à tout ce qui pourrait nous en éloigner, y compris nos propres institutions que nous protégeons contre les critiques et les questionnements. Car le bonheur auquel tu nous invites dépasse tout ce que nous connaissons, tout ce que nous pourrions imaginer et tout ce que nous défendons compulsivement. Puissions-nous donc avoir le courage de ceux et celles qui se livrent à toi sans rien retenir pour eux-mêmes. Marie, modèle des humbles de cœur qui reconnaissent qu’à travers des hommes et des femmes de bonne volonté, le Seigneur fait des merveilles prie pour nous ! Mère du Verbe de Kibeho aide-nous à toujours devenir faiseurs de bien. Amen.

Père Jean Bosco Nsengimana Mihigo, msscc