LES 9 EVEQUES RWANDAIS EN VISITA AD LIMINA APOSSTOLORUM DU 6 AU 11 MARS 2023 : 2ème Jour

DATE : 07/03/2023

ACTIVITES DU JOUR :
1. Visite au Dicastère pour l’Evangélisation (9 Evêques) : 09h30 – 11h25
2. Visite au Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral (3 Evêques) : 15h30 – 17h10
3. Visite au Tribunal Suprême de la Signature Apostolique (3 Evêques) : 16h00 – 17h30
4. Visite au Dicastère pour la Culture et l’Education (3 Evêques) : 17h00 – 18h20

I. VISITE AU DICASTERE POUR L’EVANGELISATION

1. Accueil
Son Eminence, Luis Antonio Cardinal TAGLE, Propréfet du Dicastère pour l’Evangélisation, a personnellement réservée un accueil chaleureux aux membres de la Conférence Episcopale du Rwanda (C.EP.R), enfin au complet contrairement à la dernière Visita Ad Limina Apostolorum de mars-avril 2014.
Entouré de l’Archevêque Secrétaire et de l’Evêque Sous-Secrétaire, en présence de deux officiaux dont Mgr Hyacinthe DIONE en charge des dossiers du Rwanda, le Cardinal-Propréfet a d’abord entonnée une prière et invité ensuite chacun à se présenter à tour de rôle.

2. Entrée dans le vif du sujet
Son Eminence Antoine Cardinal KAMBANDA, Archevêque de Kigali et Président de la C.EP.R, a, dans son allocution, exposé le visage de l’évangélisation au Rwanda aujourd’hui tout en se réjouissant du fait que le siège vacant de Kibungo a dernièrement été pourvu.
En bref, la pastorale de la réconciliation constitue toujours la principale priorité de l’Eglise catholique au Rwanda et se veut être transversale à toutes les autres dimensions de l’évangélisation au Rwanda. Autant le mystère de la pédagogie de la croix nous a graduellement ouverts au pardon et à la réconciliation, autant la purification de la mémoire demeure un défi à relever, un pari sacrosaint à réussir avec la grâce de Dieu et l’aide fraternelle.
Quoi qu’il en soit, la famille reste le berceau de la pastorale par la catéchèse, la préparation des fiancés et l’accompagnement de couples en difficulté et autres initiatives : célébration de la fête de la Sainte Famille de Nazareth, neuvaine, réflexion et manifestations autour de la Saint Valentin, le forum des familles et le dialogue interreligieux sur les problèmes qu’affronte la famille aujourd’hui. En juin, le Rwanda se joindra au Burundi pour un forum régional des familles. Bien plus, la pastorale des jeunes et celle des écoles est en progression, tandis que la pastorale des vocations nécessitent discernement et reconnaissance surtout pour des congrégations naissantes.
L’évangélisation du Rwanda butte sur 7 défis importants partagés justement avec les hauts Responsables du Dicastère pour l’Evangélisation à savoir :
- La purification de la mémoire
- Un véritable dialogue régional pour la paix
- Le chômage surtout parmi les jeunes
- La formation des laïcs confrontées aux effets dévastateurs des sectes
- Les exigences organisationnelles et financières d’une formation permanente des prêtres
- Les Institutions financières exigent des taux d’intérêts élevés pour des projets d’autofinancement
- Des sentiments d’appartenance idéologique présentée comme ethnique
En guise de conclusion de son discours, le Cardinal KAMBANDA a, au nom de ses confrères, formulé 2 requêtes et un vœu, c’est-à-dire l’érection de 2 nouveaux diocèses de Kibuye et d’Umutara, la création de 2 provinces ecclésiastiques ainsi qu’une invitation à la célébration du jubile de 125 ans de l’évangélisation du Rwanda en 2025. Celle-ci s’exprimera aussi au travers d’un congrès eucharistique en vue.

3. Echanges nourris
Le Dicastère de l’Evangélisation, dans la voix de son Propréfet, a remercié les Evêques rwandais pour les rapports quinquennaux envoyés ainsi que pour la résilience pastorale dont ils ont fait preuve au milieu de multiples difficultés d’après l’hécatombe rwandais.
L’Archevêque, S.E. Mgr Protais RUGAMBWA a reconnu que l’idée d’ériger Kibuye en Diocèse date d’assez longtemps mais aucun document officiel n’a été présenté à l’alors Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples jusqu’il y a seulement un an. La création de nouvelles structures ecclésiastiques au Rwanda s’impose et une visite ad hoc a été effectuée et s’est avérée convaincante. Néanmoins, même s’il est temps, tout dépend de l’Eglise du Rwanda surtout les Evêques à qui incombe de formuler précisément la demande de façon bien documentée [1] .
A la question de l’Evêque, Sous-Secrétaire du Dicastère, de savoir si le développement dont on parle tant au Rwanda était bien réel, la réponse ne s’est pas fait attendre avec des nuances contextuelles. Oui, c’est clair qu’il y a un réel progrès, ce qui ne veut pas dire que tous les gros problèmes économiques sont résolus. Sur le plan santé, l’assurance maladie (mutuelle de santé) a révolutionné la fréquentation des centres de santé et des hôpitaux alors même que la propreté devient de plus en plus une culture de tous les Rwandais. Les écoles se sont multipliées et l’éducation pour tous change petit à petit le visage de la campagne. Le cours de change prouve la résilience de la monnaie rwandaise dans la sous-région Est-Africaine. L’habitat et les autres infrastructures augmentent et rejoignent même les coins les plus isolés.
Cependant, l’accroissement démographique reste galopant et dépasse en vitesse le progrès socio-économique enregistré. En vérité, l’auto prise en charge reste encore loin d’être réalisée. C’est dans cette logique que nous avons encore besoin d’aides. Saisissant cette opportunité, le Président de la commission speciale en charge de la supervision de la construction du Centre Pastoral de la Conférence Episcopale du Rwanda en a profité pour remercier le Dicastère qui a soutenu financièrement et moralement ce projet qui manque peu pour se clôturer.
4. Problématiques saillantes
Avant de conclure, le Cardinal Tagle a soulevé quelques problématiques inquiétantes sur le plan pastoral requérant un sérieux approfondissement :
1. Le nombre important et toujours croissant de prêtres rwandais en Europe et aux Etats-Unis
2. Le risque de voir la pédagogie de la croix et la purification de la mémoire devenir de simples slogans si jamais des programmes concrets en faveur des familles et des jeunes n’étaient pas minutieusement élaborées avec une claire méthodologie pour les implémenter, aussi à long terme.
3. De même, la réconciliation nécessite du temps pour se questionner, une catéchèse pour cheminer, un espace pour raconter, une opportunité pour rencontrer et finalement organiser une cérémonie communautaire de pardon. De fait, cette façon de faire de la pastorale en pleine crise devrait être partagée avec les autres en faveur de toute l’humanité.
En peu de mots, un cadre opératoire est nécessaire, une méthodologie y afférente est indispensable, tandis que des programmes concrets les incarnant faciliteraient l’implémentation et l’apprentissage ainsi que l’élaboration d’un paradigme transposable ailleurs, toute proportion gardée.
4. La C.EP.R reconnaît avoir été prise au dépourvu par la rare violence du génocide et stupéfaite par ses conséquences inimaginables si bien que par après, l’Eglise s’est jetée dans le sauvetage à la limite de l’impossible apprenant en faisant (learning by doing) afin de sortir à tout prix du tunnel ténébreux où tout le pays se trouvait ! Dans l’entretemps, un long voyage partant du synode extraordinaire sur les questions ethniques en préparation du grand jubilé de 2000 de christianisme et de 100 ans d’évangélisation du Rwanda a été sérieusement entrepris. La 1ère étape consistait en la reconnaissance de la souffrance de l’autre sans jugement vers une guérison communautaire. La 2ème phase a eu pour résultat de passer de l’accusation à la confession.
5. Dorénavant, nous avons à élaborer une méthodologie professionnelle précise ce tout ce que nous avons expérimenté en vivant, jour après jour. Au même son de cloche, la C.EP.R s’engage à formuler des programmes concrets capables de faire comprendre le cheminement fait grâce de la pédagogie de la croix, la nécessite et la possibilité d’une purification de la mémoire, les expériences du Pardon et de la réconciliation, etc.
6. Le défi lié au bon usage des réseaux sociaux pour l’Evangélisation est énorme, tandis que les retombées du mauvais ou non usage, incommensurables. Au sujet de la communication institutionnelle, la C.EP.R manque de programme structuré cohérent, de synergie entre les différents moyens de communication social déjà dispositions dans l’Eglise, de formation adéquate face à l’activisme du dark web sur lequel les gens commettent des actes de violence, de suicides, de prostitutions, etc. En effet, nous perdons beaucoup de fidèles catholiques pendant des périodes de dure épreuve, chaque fois que l’on est confronté à la souffrance et le deuil pouvant le faire basculer vers la solitude et le désespoir.
7. Au chapitre de collectes dans le cadre des Œuvres Pontificales missionnaires (OPM), il est intéressant de constater combien leurs graphiques augmentent d’année en année au Rwanda, mais il est encore plus fondamental de s’assurer que les gens savent joindre davantage aux dons matériels le dialogue spirituel avec le Seigneur, c’est-à-dire la prière et la disponibilité à l’exponentiel à travers l’animation missionnaire surtout auprès des jeunes.
8. L’éducation catholique jouit d’une confiance généralement élevée de la part de toutes les couches de la population. Toutefois, les moyens de dispenser une formation du personnel enseignant et administratif à la hauteur de cette confiance à long terme, ne sont pas du tout au rendez-vous. La problématique d’une formation professionnelle se pose avec acuité, d’autant plus que la concurrence, parfois déloyale, sur le marché du travail fait rage.

5. Certaines fenêtres ouvertes

a. Le Dicastère pour l’Evangélisation dispose d’un collège de religieuses à Castel Gandolfo pour la formation catéchétique solide. Cependant, peut-être que les prêtres aussi pourraient devenir des formateurs de formateurs avec un effet multiplicateur.
b. L’expérience de la Nouvelle Guinée où l’on a mis sur pied un Teachers College est une très bonne initiative que l’on pourrait essayer ailleurs en vue de faire circuler les connaissances !
c. La limite d’âge contraignant pour les bourses d’études aux prêtres ayant d’abord servi longtemps en pastorale surtout pour le doctorat pourrait être négociée et revue en hausse pourvu que qui termine retourne à aider dans son propre diocèse.
d. Le Pacte Educatif Africain mérite une attention particulière pour que cette initiative de contextualisation participe de l’incarnation du Pacte Educatif Global.
e. Le désir de compléter le nom u diocèse de Gikongoro par le nom du sanctuaire marial de renommée de plus en plus mondiale est bien fondé. Pour ce faire, il faut entreprendre des démarches auprès du Dicastère pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements pour qu’il s’appelle, un jour, Diocèse Catholique de Gikongoro-Kibeho à l’instar du Diocèse Tabes et Lourdes, en France.

6. Profession de foi & Serment de fidélité
Une fois la séance de travail close, on est passé à la chapelle du Dicastère pour prier et donner déjà S.E. Mgr JMV TWAGIRAYEZU de professer sa foi et de prêter serment de fidélité à Jésus Christ, au Saint-Père et à son Eglise au milieu de ses confrères.

7. Conclusion

Ala fin, Son Eminence Luis Antonio Cardinal TAGLE a félicité tout un chacun pour le dialogue constructif qu’il y a eu. Nous avons bien échangé, disait-il, et je me sens fort enrichi.

II. VISITE AU DICASTERE POUR LE SERVICE DU DEVELOPPEMENT HUMAIN INTEGRAL
DATE : 07/03/2023 : 15h30 –18h00

DEROULEMENT :
1. Un bon climat les a accueillis et l’exposé de S.E. Mgr Anaclet MWUMVANENZA a été fort apprécié.
2. En revanche, le fonctionnement du Dicastère a été décrit en 3 points essentiels :
a. Il se nourrit d’écoute et de dialogue entre les diocèses et le Dicastère.
b. Il se caractérise par des recherches et réflexions dans le but d’examiner à fond les problématiques et les défis en face.
c. Il est aussi fait de Communication.
3. Objectif : Cf. Jn 10,10 : promouvoir la personne humaine dans son développement Intégral. Par ailleurs, il existe en son sein une caisse pour financer de petits projets pertinents (100M – 5M), tandis que les projets de grande envergure sont orientés ailleurs.
4. La présentation de notre fonctionnement comme Conférence Episcopale s’articule en 3 aspects à savoir :
a. Caritas Rwanda
b. La Commission Episcopale Justice et & Paix traitant de la réconciliation et de la résilience
c. La Commission Episcopale pour les Migrants et les Personnes en déplacement n’a, à proprement parler, de véritables migrants et mais des réfugiés assez nombreux.

5. Difficultés et questionnements
a. Lesdits réfugiés sont le produit d’une histoire triste et de la sécurité marquée
b. Le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral s’est montré très intéressé par l’expérience de la pastorale de l’unité et de la réconciliation. Selon lui, telle est la plus grande richesse que le Rwanda devrait partager au monde entier s’il en faisait don audit Dicastère. La délégation rwandaise constituée de 3 Evêques a promis de lui fournir un recueil d’expériences d’unité et de réconciliation vécues, capables de faire toucher du doigt le cheminement fait depuis le synode extraordinaire en vue des jubilés de 2020 et la contribution de l’Eglise catholique au Rwanda en la matière pendant 25 ans, de 1994 à 2019.
c. Kigali est réputée justement propre ! Quelle est la contribution de l’Eglise ? Autrement dit, quel est son rapport avec Laudato sì. Le Dicastère ne trouve rien d’assez consistant, en effet, sur l’environnement.
d. Beaucoup de projets sans recommandations des Evêques provenant du Rwanda
e. Les priorités du Dicastère proviennent des résultats des échanges avec les diocèses. Ironie du sort, le projet de la C.EP.R sur le RIM au sortir de la Visita Ad Limina Apostolorum de 2014 est restée lettre morte au point que le Dicastère ne s’en souvient plus.
f. Alors que Monsieur le Cardinal Turkson cherchait à faire fructifier les réserves des congrégations riches, aujourd’hui cette piste semble abandonnée, exceptée la tentative de Missio Invest avec le Père Small.

Le contact noué est à poursuivre selon la logique du rendez-vous du donner et du recevoir.

III. VISITE AU TRIBUNAL SUPREME DE LA SIGNATURE APOSTOLIQUE
Tribunal Suprême de la Signature Apostolique

DATE : 07/03/2023 : 16h00 – 17h30

A. Présentation
1. Une délégation de 3 Evêques a rendu visite au Tribunal Supreme de la Signature Apostolique ayant tous ses juges présents. Seul le Cardinal Dominique MAMBERTI était empêché. Elle y a trouvé des réponses vraiment attendues.

2. La présentation du TECIR et celle du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique s’occupant du for externe par rapport à la pénitencerie ont été très enrichissantes e par et d’autre. Ce tribunal joue le rôle de la cassation en civile.
a. Les membres dudit Tribunal Suprême ont apprécié la composition et les qualifications requises chez les membres du TECIR ;
b. Les statistiques (autour de 25 cas chaque année) a fini par constituer une cumulation de cas suite à la covid-19
B. Questions – réponses
a. Le Tribunal visité a distribué un document sur ses activités
b. Nouveauté : le TECIR devrait donner un rapport annuel cf. leur web Site
c. Il travaille sur les cas des dicastères et des Evêques.
d. Cependant, pour ce qui est des cas d’abus sur les mineurs par des clercs, religieux et religieuses et le personnel de l’Eglise, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi est compétent sans devoir de référer audit tribunal.

IV. VISITE AU DICASTERE POUR LA CULTURE ET L’EDUCATION

DATE : 07/03/2023 : 17h00 – 18h20

Présences
Six personnes dont un Burkinabè chargé de l’Afrique étaient présents pour engager un dialogue constructif avec les 3 Evêques, Délégués de la C.EP.R.
1. Situation du Rwanda
La présentation de la situation de l’Education au Rwanda (40% de toutes les écoles) s’est avérée impressionnante. Son historique passe de l’Education traditionnelle à l’Education belge en passant par l’Education allemande.
2. Défis & perspectives en bref
- Une convention actualisée et profondément participée manque encore pour une forte collaboration et une meilleure coordination.
- Déficit en qualification pour les enseignants du cours de religion.
- Formation permanente du personnel enseignant, du personnel de soutien et administratif.
- Les sectes gagnant les jeunes mais aussi leurs enseignants.

3. Questions et Réponses :
a. Combien y a-t-il d’universités catholiques au Rwanda ?
b. Des Universités privées de facultés de théologie et de philosophie ne le sont vraiment pas à proprement (le Rwanda est un cas à étudier).
c. Impact de la covid-19 sur les jeunes a été importante en occident. Sans le nier chez-nous, il reste aussi vrai qu’il n’y a pas eu de recherches commanditées dans ce sens. Dans tous les cas, la dimension psychologique a requis la mise sur pied de services d’écoute dans les écoles, tandis que sur le plan organisationnel, les écoles ont été ouvertes avant les églises de manière à ce qu’un système de rattrapage a eu lieu à satisfaction de tous pour leur avoir évité l’année blanche.
d. La protection des mineurs dans les écoles catholiques est de mise
e. Il est utile de partager les informations et de faire en sorte que la culture africaine soit imprégnée de la culture catholique pour une inculturation réussie.
f. S’agissant de la gestion de la formation académique et celle pastorale dans les séminaires, le contexte compte beaucoup. Ce faisant, la séparation des deux s’impose là où elle sert mieux sans jamais l’imposer comme un dogme.
NB !
Il est heureux de constater combien l’esprit d’écoute au sens synodal du terme a pénétré dans les dicastères visités.

Fait à Rome, le soir du 07 mars 2023
Rapporteur  :
Abbé Martin NIZIGIYIMANA
Secrétaire Général de la C.EP.R