Dimanche, 12-02-23

12.Dim – Vr-SIXIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE Journée mondiale des malades [1]- G, C, P dominicale- 1ère Lecture : Si 15, 15-20 ; Ps 119 (118),1-2,4-5, 17-18,33-34 ; 2ème Lecture : 1 Co 2, 6-10. MEDITATION DONNEE PAR le Père Jean Bosco NSENGIMANA MIHIGO, msscc.

PREMIERE LECTURE : LECTURE DU LIVRE DE BEN SIRAC, LE SAGE (ECL. 15, 15-20)

Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle. 16 Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères. 17 La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix. 18 Car la sagesse du Seigneur est grande, fort est son pouvoir, et il voit tout. 19 Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît toutes les actions des hommes. 20 Il n’a commandé à personne d’être impie, il n’a donné à personne la permission de pécher.

PSAUME RESPONSORIAL (PS 118 -119-, 1-2.4-5.17-18.33-34)

1 Heureux les hommes intègres dans leurs voies qui marchent suivant la Loi du SEIGNEUR ! 2 Heureux ceux qui gardent ses exigences, ils le cherchent de tout cœur ! 4 Toi, tu promulgues des préceptes à observer entièrement. 5 Puissent mes voies s’affermir à observer tes commandements ! 17 Sois bon pour ton serviteur, et je vivrai, j’observerai ta parole. 18 Ouvre mes yeux que je contemple les merveilles de ta Loi. 33 Enseigne-moi, SEIGNEUR, le chemin de tes ordres : à les garder, j’aurai ma récompense. 34 Montre-moi comment garder ta Loi, que je l’observe de tout cœur.

DEUXIEME LECTURE. LECTURE DE LA PREMIERE LETTRE DE SAINT PAUL APOTRE AUX CORINTHIENS (1COR 2, 6 – 10)

Frères, 6 c’est bien de sagesse que nous parlons devant ceux qui sont adultes dans la foi, mais ce n’est pas la sagesse de ce monde, la sagesse de ceux qui dirigent ce monde et qui vont à leur destruction. 7 Au contraire, ce dont nous parlons, c’est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. 8 Aucun de ceux qui dirigent ce monde ne l’a connue, car, s’ils l’avaient connue, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. 9 Mais ce que nous proclamons, c’est, comme dit l’Écriture : « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. » 10 Et c’est à nous que Dieu, par l’Esprit, en a fait la révélation. Car l’Esprit scrute le fond de toutes choses, même les profondeurs de Dieu.

EVANGILE BONNE NOUVELLE DE JESUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (MT 5, 17-37)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples 17 « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. 18 Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. 19 Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. 20 Je vous le dis en effet : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. 21 Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. 22 Eh bien ! Moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu. 23 Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, 24 laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. 25 Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. 26 Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. 27 Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. 28 Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. 29 Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne. 30 Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe la et jette la loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier qui s’en aille dans la géhenne. 31 Il a été dit également : Si quelqu’un renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation. 32 Eh bien ! Moi, je vous dis : Tout homme qui renvoie sa femme, sauf en cas d’union illégitime, la pousse à l’adultère ; et si quelqu’un épouse une femme renvoyée, il est adultère. 33 Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne manqueras pas à tes serments, mais tu t’acquitteras de tes serments envers le Seigneur. 34 Eh bien ! Moi, je vous dis de ne pas jurer du tout, ni par le ciel, car c’est le trône de Dieu, 35 ni par la terre, car elle est son marchepied, ni par Jérusalem, car elle est la Ville du grand Roi. 36 Et ne jure pas non plus sur ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. 37 Que votre parole soit ‘oui’, si c’est ‘oui’, ‘non’, si c’est ‘non’. Ce qui est en plus vient du Mauvais. »

COMMENTAIRE ET MEDITATIONS : L’EVANGILE DE JESUS CHRIST EST NOTRE UNIQUE LOI LOI

La liturgie de ce sixième dimanche du temps ordinaire, année A, nous rappelle que la Bonne Nouvelle de Jésus Christ doit être notre première et ultime référence. La parole de Jésus dépasse toutes les autres paroles. Qu’elles soient celles dites avant son incarnation, elles s’orientaient vers lui. Aussi celles qui se disent depuis son ascension jusqu’à la fin des temps, se réfèrent-elles à lui. Toute la loi et les prophètes annonçaient sa venue. Tout ce que les apôtres ont enseigné et fait se refaire à lui. Les sacrifices de leurs respectives vies que les martyrs ont offerts se dirigent vers lui. Tout ce que l’Eglise prêche et réalise devrait respecter cette anamnèse « En lui, pour lui… » Bref, mêmes les lois celles de la nature, celles de nos sociétés, des nations, des us et coutumes de nos peuples ; trouvent leur accomplissement en Jésus Christ.

A travers la première lecture (Ecl. 15, 15-20 15), Ben Sirac, le Sage, nous propose une réflexion sur la liberté de la personne humaine. Pour explique cela, il décrit les efforts du roi Jéroboam Ier (931 à -910) qui, en vue de renfoncer la séparation politique des tributs du nord d’Israël, vis-à-vis du su sud, il invente également une rupture religieuse. La leçon du sage comprend trois points majeurs :
1. premièrement, le mal est extérieur à l’homme. Par conséquent toute personne humaine est naturellement bonne.
2. Deuxièmement l’homme est libre. Dieu l’a doté d’une liberté de choisir entre le bien et le mal, entre la vie et la mort. Pour ce faire, de même qu’il peut se leurrer en choisissant sa propre perte ; de même il est capable de réaliser le bien.
3. Troisièmement, choisir le bien, c’est aussi choisir notre bonheur. Sur ce point, Edith Stein nous propose une voie très intéressante. Dans un contexte qui est marqué par des extrêmes diversités des conceptions de la liberté, elle se démarque de ceux qui exaltée exagérément la liberté humaine. Aussi reste-t-elle différente de ceux la considèrent comme une illusion. Pour Edith Stein, la liberté humaine est telle lorsqu’elle est abordée en considérant la relation entre Dieu et l’homme. Pour ce faire, seul le don de soi à Dieu est l’acte le plus libre de la liberté. En effet, Dieu peut combler la liberté humaine. Autrement dit, Dieu seul peut répondre à l’aspiration ultime de notre liberté. (Cf Edith Stein, « Naturaleza, libertad y gracia » in Obras completas III, (Editorial Monte Carmelo/Ediciones El Carmen/Editorial de Espiritualidad, Burgos/Vitoria/Madrid), 2002, 57-128.

D’après la première lecture, nous apprenons donc que le mal est à l’extérieur de l’homme. Cela revient à dire que le mal ne fait pas partie de notre nature. Cette information est déjà une grande et bonne nouvelle. Car si le mal faisait partie de notre nature, il n’y aurait aucun espoir de salut. Nous ne pourrions jamais nous en débarrasser.

La Bible est pour ce faire extrêmement optimiste. Elle affirme que le mal est en dehors de la personne humaine. Dieu n’a pas créé le mal. Par conséquent ce n’est pas lui qui nous pousse à le choisir. Il n’est pas responsable du mal que nous commettons. C’est d’ailleurs le sens du dernier verset qui déclare : « Dieu n’a commandé à personne d’être impie, il n’a permis à personne de pécher ». (Ecl. 15, 20).

Quelques versets, avant ceux que nous lisons aujourd’hui, nous préparent à cette compréhension : « C’est la Sagesse qui fait jaillir la louange, et le Seigneur la mène à bien. Ne dis pas : ‘C’est le Seigneur qui m’a dévoyé’, car il ne fait pas ce qu’il a en horreur. Ne dis pas : ‘C’est lui qui m’a égaré’, car il n’a que faire du pécheur ». (Ecl 15, 10-13). Hypothétiquement nous pouvons dire que si Dieu aurait créé Adam comme un être mélangé, en partie bon en partie mauvais, comme l’imaginaient les Babyloniens, le mal ferait partie de notre nature. Dieu qui n’est qu’amour, le mal lui est totalement étrange. Ces œuvres sont belles !

Le récit de la chute d’Adam et Eve (Gen 2, 4b-3, 1-24) a été écrit justement pour faire comprendre que le mal est extérieur à l’homme. Non seulement il est introduit par le serpent ; mais aussi il est interprété par la Bible de Jérusalem comme une épreuve de la liberté.

Le mal se répand dans le monde à partir du moment où l’homme a commencé à se méfier de Dieu. Puis de son partenaire. Enfin de tout son entourage. Nous retrouvons la même affirmation dans la lettre de Saint Jacques : « Que nul, quand il est tenté, ne dise ‘Ma tentation vient de Dieu’. Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et il ne tente personne. » Autrement dit, le mal est totalement étranger à Dieu. Les yeux de Dieu « sont trop purs pour voir le mal » (Hab 1, 13). Il est totalement saint de façon qu’il ne puisse pas « regarder l’iniquité. » (Hab 1, 13). Dieu qui ne pousse personne à commettre l’iniquité, il ne peut pas, non plus, être auteur du mal. Saint Jacques continue en explicitant son enseignement en disant que « Chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’entraîne et le séduit. » (Jc 1, 13-17). Bref, c’est cette extériorité du mal par rapport à la personne humaine qui expliquerait la possibilité que la personne humaine a d’exercer sa liberté en choisissant entre le mal et le bien, entre la vie et la mort.

Deuxième affirmation de ce texte dit que l’homme est libre. Il est totalement libre de choisir le mal ou le bien. Il peut opter pour la vie ou pour la mort. Il est capable d’obéir à Dieu ou de se suivre ses caprices. Dans la Bible, cette certitude n’a été acquise que lentement par le peuple d’Israël. Pourtant, là encore, la Bible reste formelle. Dieu a fait l’homme libre. Pour que cette certitude se développe en Israël, il a fallu que le peuple expérimente les actions libératrices de Dieu. A chaque étape de son histoire, à commencer par l’expérience de la libération d’Egypte, le peuple hébreu a expérimenté qu’à cause des choix que ses chefs faisaient il y avait des conséquences agréables ou néfastes.

Toute la foi d’Israël est fondée sur son expérience historique et vitale. Dieu est son libérateur. Néanmoins, c’est petit à petit que ce peuple a compris que ce qui est vrai aujourd’hui l’était déjà lors de la création. L’homme a déduit progressivement ce que Dieu a créé. Il faudrait donc que nous apprenions à concilier ces deux certitudes bibliques et théologiques : Dieu est tout-puissant ; pourtant, face à la liberté qu’il a généreusement accordée à l’homme, il semble qu’il ne peut rien. En cela justement consiste la puissance de Dieu.

Pour ce faire, c’est parce que l’homme est libre de choisir, que l’on parle de péché. La notion même de péché suppose la liberté. Si nous n’étions pas libres, nos erreurs ne pourraient pas s’appeler des péchés. Peut-être, pour pénétrer un peu dans ce mystère, faut-il nous rappeler que la toute-puissance de Dieu est celle de l’amour. Nous savons que seul l’amour vrai accepte que l’autre soit libre.

Pour guider l’homme dans ses choix, Dieu lui a donné sa Loi (Torah). Cela devrait être simple. Le livre du Deutéronome y insiste en disant : « Oui, ce commandement que je te donne aujourd’hui n’est pas trop difficile pour toi, il n’est pas hors d’atteinte. Il n’est pas au ciel : on dirait alors ‘Qui va, pour nous, monter au ciel nous le chercher, et nous le faire entendre pour que nous le mettions en pratique ?’ Il n’est pas non plus au-delà des mers ; on dirait alors : ‘Qui va, pour nous, passer outre-mer nous le chercher, et nous le faire entendre pour que nous le mettions en pratique ?’ Oui, la parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu la mettes en pratique. » (Dt 30, 11-14). Tout compte fait la liberté de choisir devrait tenir en compte ce fait notre bonheur ou malheur.

La troisième affirmation de Ben Sirac que nous apprenons aujourd’hui confirme que choisir le bien, c’est choisir notre bonheur. Tandis que se leurrer en choisissant le mal serait creuser notre tombe. Le texte dit : « La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix […] Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu, étends la main vers ce que tu préfères ». (Ecl 15, 17). Pour le dire autrement, c’est dans la fidélité à Dieu que l’homme trouve le vrai bonheur. S’éloigner de lui, c’est, tôt ou tard, faire notre propre malheur. Ne dit-on pas de manière imagée que l’homme se trouve en permanent carrefour. Deux chemins s’ouvrent devant lui et selon la Bible et la tradition spirituelle de l’Église, l’on dit deux « voies ». Une voie qui mène à la lumière, à la joie, à la vie ; bienheureux ceux qui l’empruntent. L’autre est une voie de nuit, de ténèbres et, en définitive n’apporte que tristesse et mort. Malheureux sont ceux qui s’y fourvoient.

Ici encore, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser au récit de la chute d’Adam et Eve. Leur mauvais choix les a entraînés sur la mauvaise voie. Ce thème des deux voies est très souvent développé dans la Bible. Par exemple, dans le livre du Deutéronome, particulièrement nous lisons : « Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur, moi qui te commande aujourd’hui d’aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses Lois et ses coutumes […] Tu choisiras la vie pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant le SEIGNEUR ton Dieu, en écoutant sa voix et en t’attachant à lui. » (Dt 30, 15…20).

D’après le thème des deux voies, nous ne sommes jamais définitivement prisonniers. Car même après des mauvais choix, il est toujours possible de rebrousser chemin. Par le Baptême, nous avons été greffés sur Jésus-Christ, qui, à chaque instant, nous donne la force de choisir à nouveau la bonne voie : c’est bien pour cela qu’on l’appelle le Rédempteur. Ce nom veut dire le « Libérateur ». Alors que Ben Sira disait : « Il dépend de ton choix de rester fidèle ». Une fois baptisés, nous pouvons ajouter « avec la force de Jésus-Christ ».

Le psaume responsorial fait parfaitement écho de la première lecture que venons de commenter. L’on dirait que c’est la même méditation qui continue. L’idée qui est développée, certainement d’une façon différente, mais très cohérente, est la même. Nous voyons que dans ces deux textes, l’humanité ne trouve son bonheur que dans la confiance en Dieu et dans l’obéissance à ses commandements. Le malheur et la mort commencent pour l’homme dès qu’il s’écarte de la voie de la confiance.

Par exemple, laisser entrer en nous le soupçon sur Dieu et sur ses commandements et du coup n’en faire qu’à sa propre conscience. En cela consiste le fait de s’engager sur un mauvais chemin. C’est prendre une voie sans issue. C’est tout le problème d’Adam et Eve dans le récit de la chute que la Bible place dans un Paradis terrestre. Nous retrouvons ici en filigrane, encore une fois, le thème des deux voies dont nous avions parlé. Si on en croit Ben Sirac, nous sommes des perpétuels voyageurs et nous sommes obligés de vérifier notre chemin. Bienheureux parmi nous ceux qui ont trouvé la bonne route ! Car des deux voies, des deux routes qui s’ouvrent en permanence devant nous, l’une mène au bonheur, l’autre mène au malheur.

Le bonheur, d’après ce psaume, c’est tout simple ; la bonne route, pour un croyant, c’est tout simplement de suivre la Loi de Dieu : « Heureux les hommes intègres en leurs voies qui marchent suivant la Loi du SEIGNEUR ! » Le croyant connaît la douceur de vivre dans la fidélité aux commandements de Dieu, voilà ce que veut nous dire notre psaume responsorial. Il est le plus long du psautier et les quelques versets retenus aujourd’hui, n’en sont qu’une toute petite partie, l’équivalent d’une seule strophe. En réalité, ce psaume 118 comporte cent soixante-seize versets, c’est-à-dire vingt-deux strophes de huit versets. Vingt-deux […] huit […] ces chiffres ne sont pas pris au hasard. Pourquoi vingt-deux strophes ?

Premièrement parce qu’il y a vingt-deux lettres dans l’alphabet hébreu. Deuxièmement chaque verset de chaque strophe commence par une même lettre et les strophes se suivent dans l’ordre de l’alphabet. En littérature, on parle « d’acrostiche », mais ici, il ne s’agit pas d’une prouesse littéraire, d’une performance ! Il s’agit d’une véritable profession de foi.

Ce psaume est un poème en l’honneur de la Loi. Il est une méditation sur ce don de Dieu qu’est la Loi, les commandements, si nous préférons. D’ailleurs, plus qu’un psaume, on ferait mieux de parler d’une litanie a la loi de Dieu ! Une litanie en l’honneur de la Torah ! Voilà qui nous est passablement étranger. Car une des caractéristiques de la Bible, un peu étonnante pour nous, c’est le réel amour de la Loi qui habite le croyant biblique.

Les commandements ne sont pas subis comme une domination que Dieu exercerait sur nous, mais comme des conseils, les seuls conseils valables pour mener une vie heureuse. « Heureux les hommes intègres en leurs voies qui marchent suivant la Loi du Seigneur ! » Quand l’homme biblique prononce une phrase pareille, il la pense de tout son cœur. Ce n’est pas magique, évidemment : des hommes fidèles à la Loi peuvent rencontrer toute sorte de malheurs au cours de leur vie, mais, dans ces cas tragiques, le croyant est convaincu. Par sa foi, il sait que, seul le chemin de la confiance en Dieu peut lui donner la paix de l’âme.

En plus la Loi n’est pas subie comme une domination, mais elle est reçue comme un cadeau que Dieu fait à son peuple. Elle est là pour nous mettant en garde contre toutes les fausses routes. Elle est donc l’expression de la sollicitude du Père pour ses enfants. Tout comme nous, en tant que parents ou amis, parfois, nous mettons en garde un enfant ou un ami contre ce qui nous paraît être dangereux pour lui. On dit que Dieu « donne » sa Loi et elle est bien considérée comme un « cadeau ». Car Dieu ne s’est pas contenté de libérer son peuple de la servitude de l’Egypte et l’aurait laissé à lui-même. Sachant qu’Israël risquait de retomber dans d’autres esclavages qui pires encore, en donnant sa Loi, Dieu donnait en quelque sorte le mode d’emploi de la liberté à son peuple.

La Loi est donc l’expression de l’amour de Dieu pour son peuple. Il faut dire qu’on n’a pas attendu le Nouveau Testament pour découvrir que Dieu est Amour et que finalement la Loi n’a pas d’autre but que de nous mener sur le chemin de l’amour. Toute la Bible est l’histoire de l’apprentissage du peuple élu à l’école de l’amour et de la vie fraternelle. Le livre du Deutéronome l’enseigne quand il dit : « Ecoute Israël, le Seigneur ton Dieu est le Seigneur Un ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force ». (Dt 6, 4). Et le livre du Lévitique enchaînait : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18). Plus tard, Jésus rapprochant ces deux commandements pour confirmer qu’ils étaient le résumé de la Loi juive et la charte de ceux qui veulent le suivre.

Revenons à cette curieuse « Béatitude » du premier verset de ce psaume : « Heureux l’homme qui suit la Loi du Seigneur » : le mot « heureux », nous avons déjà appris à le traduire par l’expression de Nathan André Chouraqui « En marche ». L’on pourrait par exemple traduire ce premier verset : « Marche avec confiance, toi, l’homme qui observes la Loi du Seigneur ». Et l’homme biblique est tellement persuadé qu’il y va de sa vie et de son bonheur que cette litanie dont nous mentionnions précédemment est en fait une prière. Après les trois premiers versets qui sont des affirmations sur le bonheur des hommes fidèles à la Loi, les cent soixante-treize autres versets s’adressent directement à Dieu dans un style tantôt contemplatif, tantôt suppliant du genre : « Ouvre mes yeux, que je contemple les merveilles de ta Loi. »

La litanie continue, répétant sans arrêt les mêmes formules ou presque : par exemple, en hébreu, dans chaque strophe, reviennent huit mots toujours les mêmes pour décrire la Loi. Seuls les amoureux osent ainsi se répéter sans risquer de se lasser. Huit mots toujours les mêmes et aussi huit versets dans chacune des vingt-deux strophes : le chiffre huit, dans la Bible, est le chiffre de la nouvelle Création. La première Création a été faite par Dieu en sept jours, donc le huitième jour sera celui de la Création renouvelée, des « cieux nouveaux et de la terre nouvelle », selon une autre expression biblique. Celle-ci pourra surgir enfin quand toute l’humanité vivra selon la Loi de Dieu, c’est-à-dire dans l’amour puisque c’est la même chose dire commandement e Dieu, sa Loi, sa Promesse, sa Parole, son Jugement, son Décret, ses Préceptes, son Témoignages.

Ces éléments de la symbolique du chiffre huit nous font penser à quatre couples humains (8 personnes) dans l’Arche de Noé. La Résurrection du Christ s’est produite le dimanche qui était à la fois le premier et le huitième jour de la semaine. Pour cette raison, les baptistères des premiers siècles étaient souvent octogonaux ; encore aujourd’hui nous rencontrons de nombreux clochers octogonaux. Tout compte fait, la méditation de ce psaume responsorial nous introduit dans plusieurs facettes de l’amour de Dieu qui se donne, ordonne, commande, enseigne. Par sa Loi, Dieu enseigne la voie pour aller à lui. La Loi de Dieu est une pédagogie, un accompagnement qu’il nous propose. C’est un cadeau qu’il nous donne. La Parole de Dieu est toujours une promesse fidèle. C’est un « Juger » équitable. Dieu nous traite avec justes « Décrets » qu’il a « grave » dans nos cœurs. Ses paroles gravées dans la pierre (Tables de la Loi) comme « Préceptes », elles nous confiées comme « Témoignages » d’amour envers la fidélité de Dieu. Toutefois, en tant Parole de Dieu, elle est toujours créatrice. C’est une parole d’amour : « Il dit et cela fut » (Genèse). Ne savons-nous pas qu’un simple « je t’aime » est une parole créatrice ? Ne s’agit-il pas d’une « Promesse » ?

La deuxième lecture apporte l’insistance de Paul sur le mot « sagesse ». Peut-être ça nous surprend ! Mais n’oublions pas qu’il s’adresse aux Corinthiens, c’est-à-dire à des Grecs pour qui la sagesse (Sophia) est la vertu la plus précieuse. L’apôtre prend le soin d’oppose la sagesse du monde, l’esprit du monde d’une part et, d’autre part, la sagesse de Dieu. D’après saint Paul, les deux sagesses sont totalement opposées, voire contradictoires ! A nous de choisir. Nous sommes libre de vivre notre vie selon la sagesse du monde, l’esprit du monde, ou selon la sagesse de Dieu.

Nous retrouvons encore le thème des deux voies : l’homme est placé au carrefour de deux routes et il est libre de choisir son chemin. Il peut suivre une voie qui mène à la vie, à la lumière, au bonheur ; comme il peut prendre l’autre route en enfonçant dans la nuit, la mort. En définitive, ce dernier choix n’offre, que de fausses joies. Précisons tout de suite que, lorsque Paul parle de vie et de mort, il ne parle pas de la vie biologique mais de la vie spirituelle. Mais la voie qui mène au bonheur, nous ne pouvons pas la trouver tout seuls. C’est pour cela que Paul parle de « Sagesse tenue cachée ». Voici ce que dit le livre du Deutéronome : « Au Seigneur, notre Dieu, sont les choses cachées, mais les choses révélées sont pour nous et nos fils à jamais, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette Loi. » (Dt 29,28).

Dieu connaît toutes choses, mais nous, nous ne connaissons que ce qu’il a bien voulu nous révéler, à commencer par sa Loi qui est la clé de tout le reste. Cela nous renvoie encore une fois au récit du paradis terrestre : le livre de la Genèse raconte que dans le jardin d’Eden, il y avait toute sorte d’arbres, et, parmi eux, deux arbres particuliers : l’un, situé au milieu du jardin était l’arbre de vie et l’autre à un endroit non précisé s’appelait l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux. Adam et sa femme avaient le droit de prendre du fruit de l’arbre de vie, seul le fruit de l’arbre de la connaissance était interdit.

Cette manière imagée de dire que l’homme ne peut pas tout connaître et qu’il doit accepter ces limites. « Au Seigneur, notre Dieu, (sous-entendu et à lui seul) sont les choses cachées ». En revanche, la Torah, la Loi, qui est l’arbre de vie, est confiée à l’homme : pratiquer la Loi, c’est se nourrir jour après jour de ce qui nous fera vivre.

Revenons sur cette formule : « Sagesse tenue cachée, prévue par lui dès avant les siècles… ». Paul insiste plusieurs fois dans ses lettres sur le fait que le projet de Dieu est prévu de toute éternité. Il n’y a pas eu de changement dans son programme. Parfois nous nous représentons le déroulement du projet de Dieu comme s’il avait dû changer d’avis en fonction de la conduite de l’humanité. Par exemple, nous imaginons que, dans un premier temps, Dieu a créé le monde et que tout était parfait jusqu’au jour où Adam a commis la faute. Pour réparer la faute Dieu aurait imaginé d’envoyer son Fils…

Contre cette conception, Paul développe dans plusieurs de ses lettres cette idée que le rôle de Jésus-Christ est prévu de toute éternité et que le dessein de Dieu précède toute l’histoire humaine. Ce dessein de Dieu est magnifique : « Ce dont nous parlons, c’est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. »

« Pour nous donner la gloire » : la gloire, normalement, c’est un attribut de Dieu et de lui seul. Notre vocation ultime, c’est donc de participer à la gloire de Dieu. Le projet de Dieu, c’est de nous réunir tous ensemble en Jésus-Christ et de nous faire participer à la splendeur de la Très Sainte Trinité. « Ce que nous proclamons, c’est, comme dit l’Ecriture, « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. »

L’expression « comme dit l’Ecriture » renvoie à une phrase du prophète Isaïe : « Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï-dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. » (Is 64, 3). Elle dit l’émerveillement du croyant biblique gratifié de la Révélation des mystères de Dieu. La fin de la phrase complète : « Ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé ». Mais alors, y aurait-il des privilégiés et des exclus ? Y aurait-il des gens pour qui cela n’était pas préparé ?

Bien sûr que non. Le projet de Dieu, son dessein bienveillant est évidemment pour tous. Néanmoins, ne peuvent y participer que ceux qui ont le cœur ouvert à sa loi. Du fait que de notre cœur, nous sommes seuls maîtres, d’D’une certaine manière, c’est le saut dans la foi qui est dit là. Le mystère du dessein de Dieu ne s’ouvre que pour les petits, ceux qui sont dociles a l volonté de Dieu. Comme le disait Jésus, « Dieu l’a caché aux sages et aux savants, et il l’a révélé aux tout-petits ». Nous voilà tout-à-fait rassurés : tout-petits, nous le sommes, il suffit de le reconnaître.

A travers l’évangile nous lisons que Jésus est le Maîtres qui accomplit ce grand projet que Paul appelle « le dessein bienveillant de Dieu ». Certes l’expression appartient à Saint Paul, mais l’idée remonte beaucoup plus loin avant lui. Depuis Abraham, toute la Bible chemine vers cet accomplissement. Le Chrétien, normalement, n’est pas tourné vers le passé, c’est quelqu’un qui est tendu vers l’avenir. Il juge toutes les choses de ce monde en fonction de l’avancement des travaux qui contribuent à la construction du Royaume. Quelqu’un disait : « La Messe du dimanche, c’est la réunion du chantier du Royaume ». La messe devrait être le lieu où l’on fait le point sur l’avancement de la construction. Nous devrions examiner si le Royaume avance réellement. Nous nous rendrons compte qu’il progresse lentement mais sûrement : c’est le cœur de notre foi qui devrait affirmer cela.

Bien sûr, cela ne se juge pas sur quelques dizaines d’années. Il faut regarder sur la longue durée pour se convaincre que Dieu a choisi un peuple comme tous les autres. Il s’est peu à peu révélé à lui et après coup, on est bien obligé de reconnaître qu’un énorme chemin a été parcouru. Dans la découverte de Dieu, d’abord, mais aussi dans la relation aux autres hommes ; les idéaux de justice, de liberté, de fraternité remplacent peu à peu la loi du plus fort et l’instinct de vengeance.

Ce lent travail de conversion du cœur de l’homme a été l’œuvre de la Loi donnée par Dieu à Moïse : les premiers commandements étaient de simples balises qui disaient le minimum vital en quelque sorte, pour que la vie en société soit simplement possible : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas tromper… Et puis, au long des siècles on avait affiné la Loi, on l’avait précisée, au fur et à mesure que les exigences morales progressaient.

Jésus s’inscrit dans cette progression. Il ne supprime pas les acquis précédents, il les affine encore et les perfectionne. « On vous a dit… moi je vous dis… » Pas question de gommer les étapes précédentes, il s’agit d’en franchir une autre étapes : « Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir ». Première étape, tu ne tueras pas, deuxième étape, tu t’interdiras même la colère et tu iras jusqu’au pardon et à aimer ton ennemi...

Dans un autre domaine, première étape, tu ne commettras pas l’adultère, deuxième étape, tu t’interdiras même d’y penser, et tu éduqueras ton regard à la pureté. Enfin, en matière de promesses, première étape, pas de faux serments, deuxième étape, pas de serments du tout, que toute parole de ta bouche soit vraie. La loi de l’évangile nous invite à aller plus loin. Avancer toujours plus loin dans l’amour, voilà la vraie sagesse !

Tout compte fait, nous sommes conscients que l’humanité a bien du mal à prendre ce chemin-là ! Pire encore, elle refuse bien souvent les valeurs de l’évangile et se croit sage en bâtissant sa vie sur de tout autres valeurs. Paul fustige souvent cette prétendue sagesse qui fait le malheur des hommes : « La sagesse de ceux qui dominent le monde et qui déjà se détruisent », lisions-nous dans la deuxième lecture. Dans chacun de ces domaines, Jésus nous invite à franchir une étape et, pour que le Royaume vienne, nous devons entamer une autre façon de voir les choses et de vivre. Curieusement, mais c’est bien conforme à toute la tradition biblique, ces commandements renouvelés de Jésus visent tous les relations avec les autres. Si on y réfléchit, ce n’est pas étonnant que le dessein bienveillant de Dieu soit, comme dit saint Paul, de nous réunir tous en Jésus-Christ. Tout effort que nous tentons vers l’unité fraternelle contribue à l’accomplissement du projet de Dieu, c’est-à-dire à la venue de son Règne. Il ne suffit pas de dire « Que ton Règne vienne », Jésus vient de nous dire comment, petitement et sûrement, nous contribuons à faire présent le Règne de Dieu : C’est adopter l’évangile de Jésus Christ comme notre seule Loi.

PRIERE SCRIPTURAIRE
Seigneur, Dieu aimant, en ton Fils Jésus, notre Grand-Frère, tu nous enseignes comment devons-nous rechercher et réaliser ta sainte volonté d’amour. Préparez-nous et dispose notre cœur à répondre librement et fièrement à ton amour. Que du plus profond de nos cœurs, nous nous efforcions à être fidèles à ton projet du Royaume. Que dans tout ce que nous faisons, nous choisissions la voie de tes commandements, que nous aimions ta loi, que nous comptions sur ta promesse, que nous écoutions ta Parole, que nous nous soumettions à ton jugement, que nous suivions ton décret, que nous assumions tes préceptes et que nous confions en ton témoignage.
Dieu très bon, tu n’as pas créé le mal. Rend-nous respectueux envers les autres et, attentif aux besoins de nos frères et sœurs, même quand ils restent indifférents ou ingrats, nous options à faire le bien. Que ta sagesse nous enseigne la juste manière d’expulser le mal de ce monde et d’apporter ton amour et ta miséricorde à tous ceux qui en ont besoin.
Marie Mère de la Loi divine parfaitement accomplie en Jésus Christ, ton fils et notre frère, prie pour nous. Mère du Verbe de Kibeho enseigne-nous comment garder dans nos cœurs la parole de Jésus.
Amen !

Père Jean Bosco NSENGIMANA MIHIGO, msscc.