Mgr Edouard Sinayobye au Congrès 2022 de Signis-Afrique

DISCOURS DE S.E. Mgr A L’OCCASION DE L’OUVERTURE DU CONGRES SIGNIS AFRIQUE ET ASSAMBLEE DES DELEGUES, KIGALI, le 12 JUILLET 2022

Eminence le Cardinal Antoine KAMBANDA, Archevêque de Kigali,

Exc. Mgr Philippe RUKAMBA, Evêque de Butare et
Président de la Conférence Episcopale du Rwanda (C.Ep.R),

Mr le Ministre de l’Administration Locale,

Exc. Mgr Emmanuel BADEJO, Evêque d’OYO (NIGERIA) et
Président de la Commission Episcopale panafricaine pour les communications sociales ;

Mgr Janvier YAMEOGO,
Dicastère pour la Communication (Vatican)

Mr l’Abbe Walter IHEJIRIKA, Président SIGNIS-Afrique,

Chers journalistes,

Messieurs et Mesdames les délègues nationaux de SIGNIS-Afrique,

Chers journalistes,

A cette heureuse occasion d’ouverture du Congrès SIGNIS-AFRIQUE et Assemblée des Délégués, je voudrais, à mon nom personnel et au nom de la Commission Episcopale pour la pastorale de la communication au sein de la Conférence Episcopale du Rwanda, (je voudrais) vous adresser un mot de bienvenue « MURAKAZA NEZA », « Soyez les bienvenus ».
Chers hôtes, ces mots, en langue locale, vous ont été certainement adressés depuis que vous êtes ici. Ce sont par exemple les premiers mots de notre langue que vous avez appris.
En même temps que ce mot de salutation, j’exprime aussi nos vifs remerciements à l’endroit des organisateurs de ce Congrès pour avoir choisi notre pays en vue de la tenue de cette Assemblée si importante pour la vie du peuple de Dieu en Afrique.
Nous sommes tous heureux de partager les bienfaits de la Bonne Nouvelle, fruit de l’auto-communication faite en Jésus Christ, Communicateur par excellence, Révélateur du visage du Père.

Oui, Jésus Christ, Verbe éternel du Père, est devenu à la fois Objet de la communication catholique (C’est Lui que nous annonçons) et modèle de celle-ci (C’est Lui que nous imitions dans la communication).
Nous saluons avec bonheur cet événement d’Eglise qui va apporter, nous n’avons pas I’ombre de doute, un élan nouveau dans l’œuvre d’évangélisation du Continent Africain.
Pour nous Africains, la communication a un écho particulier dans nos cultures de tradition orale. Dans la pensée des Africains, la parole communiquée n’est pas seulement un ensemble de termes qu’on utilise dans la communication, mais une Encyclopédie de connaissances et des institutions pluriséculaires ou un sanctuaire de la sagesse. C’est ce qui faisait dire au Père Dominique Nothomb, missionnaire au Rwanda, que : « Les plus précieuses richesses de la pensée et du cœur rwandais se sont exprimés, non dans les lignes, les sons, les couleurs ou les formes, mais dans la parole, domicile privilégié du patrimoine culturel commun » .
S’il nous était permis de le dire d’une manière vulgaire, nous dirions que la « Communication est dans le sang des Africains ». De ce point de vue-là, nous sommes particulièrement disposés à l’accueil du Verbe de Dieu, l’accueil du christianisme qui est une religion fondée sur l’auto-communication de Dieu.
Ce Congrès sera une espace d’école où nous apprendrons comment parler de Jésus Christ, Parole éternelle du Père, à travers nos medias.
Ainsi considérée, cette Assemblée sur la communication du style chrétien, nous aidera à réaliser une inculturation de la Parole de Dieu et de Jésus Christ dans notre métier de communication.
Dans la vie des sociétés, la communication constitue un pouvoir puissant. Elle a un impact direct dans la vie des gens. Dans l’Eglise, elle est un moyen d’évangélisation. Le Décret du Concile sur les moyens de communication sociale Inter Mirifica, précise bien cette mission : " prêcher le salut au moyen des instruments de communication sociale" (No 3).
Nous sommes à I’ère de la communication. Les moyens de communication nous offrent, d’une part, beaucoup d’avantages, mais d’autres parts, et c’est le revers de la médaille, comportent des risques inquiétants. La communication est souvent manipulée par les gens mal intentionnés : les commerçants des mass media assoiffés uniquement de l’argent et corrompus par l’idole de l‘argent, les auteurs de tendances divisionnistes, les entraineurs médiatiques de la perversion de nature de la violence, de la pornographie et d’autres présentations perverses que certains usagers, surtout les jeunes, gobent sans discernement.
La communication d style chrétien doit s’opposer à ces fléaux médiatiques. Les medias sont une épée à double tranchant. Nous avons le devoir de les protéger contre les abus de la modernité. Le Décret du Concile Vatican II sur les Moyens de communication sociale, estime qu’une formation au bon usage des médias est nécessaire : « La bonne utilisation des moyens de communication sociale mis à la disposition d’usagers différents par l’âge et la culture, requiert une formation théorique et pratique adaptée selon les usagers et spécifiques selon les instruments » .
Le peuple rwandais, dans les différents moments du parcours douloureux qui a conduit à la tragédie du génocide de 1994, a affreusement souffert du déferlement d’animosité et de violence, alimentés par I’idéologie ségrégationniste et meurtrière. Ceux qui connaissent l’histoire du Rwanda savent que la parole a été souvent manipulée à des fins méchantes par des gens mal intentionnées. La plupart des discours incendiaires de certains politiciens ont usé cette manipulation de la parole pour inculquer dans la population la haine ou les sentiments meurtriers.
Les organes de communication sociale, la revue Kangura qui incitait à la haine ethnique, surtout dans le fameux article sur les Dix Commandements des Hutu contre les Tutsi, la Radio Télévision Libre des Milles Collines (RTLM), - pour ne citer que celles-ci, ont illustré honteusement cette triste réalité.
Les journalistes rwandais ont tiré bonne leçon de cette histoire. La présence d’un certain nombre d’entre eux dans ce Congrès, témoigne de leur bonne volonté et de leur engagement à ne plus tomber dans les erreurs du passé.
L’Eglise du Christ qui est au Rwanda dans l’histoire de son évangélisation a eu l’adresse de mettre à profit les moyens de communication. Elle a fondé la revue Kinyamateka en 1936, Hebdomadaire catholique qui fonctionne jusqu’à présent. La revue Hobe, fondé en 1953, a donné une contribution remarquable dans l’éducation des enfants en période de scolarisation.
La promotion du secteur de communication a été l’une des priorités de l’Eglise au Rwanda, après le Génocide contre les tutsi en 1994. Parmi les résolutions du Synode Extraordinaire de 2000, l’Eglise a initié la mise en place d’une faculté de Communication, pour augmenter le nombre de journalistes professionnels et lutter contre la désinformation, les stéréotypes et les medias de haine qui envenimait, de temps e autre, la société. Cela a été suivi par une série d’initiatives, dont la création d’une Radio Catholique, Radio Maria Rwanda et récemment d’une télévision également Catholique dans I’Archidiocèse de Kigali, Pacis TV.
Considérant la tache énorme dans la pastorale de la communication, l’Eglise a besoin d’investir davantage dans ce secteur. Par les contributions annuelles des diocèses, par des critères spéciaux et autres initiatives, l’Eglise ne ménage aucun effort pour soutenir ses medias. Mais malgré tout, nous avons encore besoin de soutien pour que nos medias soient à Ia hauteur des charges qui les attendent. Le matériel de notre disposition est encore insuffisant. Nous pensons d’une maison catholique des medias où pourraient se rassembler les medias et journalistes catholiques en vue de travailler en commun pour la promotion des medias catholiques au Rwanda. Nous avons besoin de rentrer davantage dans le réseau de solidarité avec d’autres partenaires pour améliorer notre travail.
Nous sommes néanmoins très fiers, de produire une moisson abondante dans l’apostolat de la communication, par des moyens très modestes.
Conscients que I’art de la communication catholique demande une capacité d’ouverture aux autres, nous tenons à soigner nos relations avec d’autres instances de communication. Nous sommes heureux que les journalistes de nos medias collaborent harmonieusement avec les organes de communication, étatiques et privées. Par cette même occasion, nous remercions cordialement la RBA (Rwanda Broadcasting Agency) pour son soutien technique et logistique à I’endroit de notre première Télévision catholique, Pacis Tv, surtout dans ses débuts. Nous exprimons notre gratitude à d’autres chaines et Radio privés pour leur aimable collaboration avec nos organes de communication.
L’expérience de ce Synode sur la synodalité que nous sommes en train de vivre, a une visée qui a une résonance particulière pour le labeur pastoral des peuples Africains : la communion, la mission. Les organisateurs de ce Congrès ont proposé que I’objectif de ce Synode ait un reflet sur les échanges au cours du Congrès. Le travail de paitre le troupeau de Dieu doit essentiellement s’orienter à l’édification d’une Eglise en tant que famille de Dieu où l’eau du baptême transcende les liens des ethnies, des tribus et des autres appartenances.
Le Saint Père, le Pape François, nous a partagé le fruit de son discernement quant à la nature de I’Eglise et sa mission actuellement : « Une Eglise synodale est celle que Dieu veut en ce troisième Millénaire ».
Nous partageons tous le même souhait que ce Congrès nous aide à être davantage des artisans d’une culture de la communion. Le Pape François nous y exhorte brièvement dans Evangelii Gaudium : « Les plus grandes possibilités de communication se transforment en plus grandes possibilités de rencontre et de solidarité en tous » . La communication au service de la communion.
L’expérience de ce Synode nous donne un style de cet art que nous voudrions tous apprendre : I’art de communiquer pour bâtir la communion.
Avec votre permission, je me propose de vous décrire synthétiquement, comment, à la lumière de ce Synode sur la synodalité, le journaliste catholique est appelé à contribuer à l’unité de la société.
Avant de prendre un style pour composer un article ou de se rendre en studio pour une émission, le communicateur chrétien doit au préalable :
Primo : se mettre à l’écoute des gens, les écouter attentivement et les écouter tous. L’écoute nous permet de comprendre les vrais problèmes du peuple de Dieu, leurs aspirations les plus profondes mais aussi des pistes de solutions qu’ils proposent et dont il convient de tenir compte dans l’action pastorale.
Secundo : en même temps qu’on écoute l’autre, on écoute aussi l’Esprit Saint. Prendre le temps pour prier, méditer la Parole de Dieu, faire l’adoration. C’est cette atmosphère de prière qui permet de mener une réflexion priante et dans la prière on pose cette question à Dieu « Seigneur, que veux que je communique ? »
Cet exercice, à la fois rationnel et spirituel, conduit au discernement ecclésial, au discernement synodal.
Ainsi conçue et ainsi pratiquée, la communication devient une école où on apprend à marcher ensemble ; la communication au service de la communion.
Permettez-moi, chers journalistes chrétiens, de formuler quelques vœux pour votre, notre noble profession dans I’Eglise, en quatre points :
- L’annonce de Jésus Christ : I’objet principal de nos informations, ce n’est pas ce qui se passe à travers le monde, mais bien Dieu. Ce qui est au centre de nos émissions, c’est Jésus Christ et son Royaume, et tout ce qui contribue au bien-être du peuple. Notre mission dans la communication catholique c’est de « Proclamer à temps et à contre temps l’Evangile du Christ (2 Tim 4, 2) ». le professionnel de la communication catholique a une mission prophétique de parier au nom de Dieu et de parler, sans se lasser, de Dieu.
Et pour parler de Dieu, il faut d’abord Le rencontrer dans la prière. Avant d’être des hommes de la parole, les journalistes chrétiens sont des hommes de la prière.
- Le service de Ia vie : Servir la vie, la protéger, promouvoir tout ce qui contribue à la dignité de I’homme. La communication catholique est en quelque façon l’engagement de lutter contre tout ce qui détruit et déshumanise I’homme et diminue sa dignité. Nos organes d’information sont des voix qui crient pour défendre le pauvre et le petit. Le journaliste chrétien est protecteur de la vie.
- La promotion des valeurs de vérité, de justice et de paix : La Bonne Nouvelle de Jésus Christ dont nous avons reçu la mission d’annoncer, est une libération de I’homme. Le Seigneur dit : « vous connaitrez la vérité et la vérité vous rendra libres, ( Jn 8, 32). Le mensonge rend esclave. La parole de vérité affranchit de I’esclavage.
Nos sociétés sont blessées, humiliées, exploitées. L’Eglise leur annonce la Bonne Nouvelle de Jésus Christ qui leur apporte la paix. La parole de I’Eglise condamne le mensonge, l’injustice, la corruption, dénonce I’exploitation du petit par le puissant, prend la défense du vulnérable. Le journaliste chrétien est bâtisseur de paix.
- Réconciliation : Le Dieu que nous annonçons, est Dieu Un en Trois personnes, Mystère de communion. Nous formons tous une seule famille, une communauté des frères et de sœurs unis par les liens de la charité universelle.
Jésus nous a laissé le Testament d’unité : Soyez Un comme moi et mon Père nous sommes Un ( Jn 17,21). Nous proclamons la parole qui unit, nous sommes au service de I’unité, de la communion. Nos peuples attendent de notre mission un message et des actions concrètes en faveur de I’unité et réconciliation. Le journaliste chrétien proclame en face de tous que tous les hommes ont la même dignité. Il est témoin et artisan de de la réconciliation.
Eminence, Excellences,
Avant de terminer ce mot, je voudrais remercier encore une fois SIGNIS-Afrique, de nous avoir accordé ce temps pour apprendre à marcher ensemble comme Eglise en Afrique. C’est un besoin pressant et le rôle des medias catholiques reste irremplaçable.
En union avec vous tous, je formule à l’adresse de SIGNIS AFRIQUE, les vœux d’une fructueuse mission au milieu du peuple de Dieu qui est en Afrique.