Homélie, 05-04-20

5. Dim – R - DIMANCHE DES RAMEAUX 31 ET DE LA PASSION (6ème DIMANCHE DE CAREME) -L’Eglise, en ce dimanche, commémore l’entrée de Jésus à Jérusalem, en vue d’y achever son Mystère Pascal. Il convient d’en faire mémoire à toutes les messes :
a) soit d’une façon très solennelle à la messe principale par une procession d’un lieu extérieur à l’église, après la bénédiction des rameaux (oraison au choix, lecture de l’évangile). On ne réitère pas cette procession au même endroit au cours de la journée  [1]
b) soit par une entrée solennelle dans l’église et bénédiction des rameaux à la porte de l’église, ou même dans l’église.
c) soit par une entrée simple, au chant de l’introït et de son psaume sans bénédiction des rameaux.
1ère Lecture : Is. 50,4-7 ; Psaume 21  ; 2ème Lecture : Ph. 2,8-9 ; Evangile : Mt. 26,14-27,66.

Homélie donnée par le Père Bernard Dourwe, Rcj.

La célébration de ce dimanche qui ouvre la Semaine sainte a deux moments forts : la procession (le Roi entre dans sa ville sous les acclamations) et la Passion (le Roi sort de la ville sous les injures pour être mis en croix). Le Roi d’Israël est un Roi Serviteur.
Voici venus les jours de la Passion. Et nous savons la densité de ce mot « Passion », qui dit à la fois tout l’amour dont le Christ a aimé les hommes, jusqu’à donner sa vie pour les sauver, et toutes les souffrances qu’il a endurées, jusqu’à la mort sur une croix. Ce dimanche de la passion nous fait entendre le contraste entre les « Hosanna » de la foule acclamant le Messie (évangile de l’entrée à Jérusalem) et, quelques jours plus tard, ses « qu’on le crucifie ! » (Évangile de la Passion). Jésus est bien le Serviteur, qui, sûr de son Dieu (1ère lecture) sera relevé de la mort et exalté (2ème lecture), et nous appelle à la même confiance en Dieu (psaume).

Ce chant du Serviteur Souffrant, emprunté au livre d’Isaïe, nous fait communiquer aux sentiments du Christ dans sa Passion : souffrance, solitude, angoisse ; mais en même temps, courage indomptable dans la certitude du triomphe final.

Abaissement extrême et triomphante exaltation, tel est le double contraste de cet hymne à la gloire du Christ que Saint Paul a inséré dans son Epître aux Philippiens.

La célébration d’aujourd’hui comporte deux évangiles. Le fait est rare, cela n’arrive que pour le dimanche des Rameaux. Ces deux lectures forment une charnière qui conduit l’auditeur du temps du Carême au temps de la Passion. Le contraste est saisissant. D’un texte évangélique à l’autre, la foule, les disciples et Jésus deviennent méconnaissables. Le premier récit raconte l’entrée du Seigneur à Jérusalem. Jésus vient de Bethphagé. Il descend du mont des Oliviers, assis sur un ânon, entouré de ses disciples. La foule, joyeuse, le précède, étendant manteaux et branches d’arbres sur le chemin. Elle est venue accueillir le prophète Jésus de Nazareth, celui qui par ses miracles a rendu espérance et santé à tant de gens. Partout ce ne sont que cris de joie et acclamations : "Béni soit le Messie !", "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !"
L’ambiance du second texte est tout autre. Nous retrouvons Jésus au mont des Oliviers. La tristesse et l’angoisse l’étreignent. Ses disciples l’ont abandonné et trahi. Les autorités politiques et religieuses refusent de reconnaître en lui le Messie. Elles lui intentent un simulacre de procès. Des soldats le maltraitent et se moquent de sa royauté. La foule est toujours présente. Mais elle est hostile, haineuse : "Qu’on le crucifie !", "Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants !" Et il en fut ainsi : on crucifia le prophète Jésus de Nazareth. Cette nuit-là Jérusalem bascula !
Laissons-nous toucher par l’incroyable violence de ce bouleversement. Les conséquences de nos propres infidélités, de nos trahisons les plus secrètes y sont mises à nu... et pardonnées par la fidélité aimante du Crucifié.
"Les peuples qui oublient leur histoire sont condamnés à la revivre sans cesse". Voilà que nous allons vivre dans le souvenir et la commémoration de la dernière semaine de Jésus : son triomphe, le jour des Rameaux, ses souffrances, sa mort et sa résurrection. La trahison de Judas, le reniement de Pierre, l’indifférence de Pilate, la haine des "religieux", la présence de Jean, de Marie et des autres femmes au pied de la croix, la résurrection annoncée aux femmes, l’incrédulité des disciples.
Nous allons faire mémoire de ces journées décisives et les revivre. Nous allons nous rendre compte que, dans nos vies et dans la vie de beaucoup de nos contemporains, Jésus continue à vivre sa passion. Il y a encore des gens qui, comme lui, sont injustement condamnés et mis à mort. Il y a des gens qui se dépensent pour la justice et la paix, qui prennent sur leur dos la misère du monde pour la transformer, pour en faire un instrument de libération de l’homme. Il y a des gens qui offrent au Père le poids perdu de la souffrance. C’est ce que nous faisons à chaque messe. C’est ce que nous allons faire, de manière plus forte, au cours de la semaine, dans l’attente du jour béni de sa venue dans la gloire.
En ce début de la semaine sainte, demandons au Seigneur de nous apprendre à porter chacun notre fardeau avec un peu d’amour et surtout de savoir aider nos frères à porter le leur, comme Simon de Cyrène l’avait aidé lui-même.

Dieu d’amour et de sainteté, en entrant dans la ville comme le roi promis, Jésus se préparait aussi à mourir pour elle. Accorde-nous de reconnaître dans le récit de sa Passion, avec quelle violence notre péché te rejette, et avec quelle force tu ne cesses d’aimer les hommes. Nous célébrerons alors ta gloire par toute notre vie, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen !
Père Bernard Dourwe, Rcj.